La banane fait sans aucun doute partie des fruits préférés des Français, qui lui octroient la note de 7,9/10, au même titre que la pomme et un peu au-dessus des oranges. La praticité du fruit, facile à manger, à transporter et à conserver, son goût et ses qualités nutritionnelles sont autant d’éléments qui fondent sa popularité. En-cas parfait en milieu de journée, la banane permet de patienter jusqu’au repas sans trop grignoter. On la retrouve toute l’année dans nos supermarchés peu importe la saison, et sa couleur permet de déterminer facilement si elle est mûre ou non. 67% des Français l’ont intégrée à leurs listes de courses.

La pomme est le 1er fruit consommé en France, (17,7% de part de marché en volume), devant les bananes (15,5%) et les oranges (13,6%).

La banane peut jouer le rôle de féculent et est utilisée dans de nombreux plats. Les végans l’utilisent énormément puisqu’elle peut remplacer les œufs, la farine et le sucre, en plus d’être bourrée de potassium, dont l’Homme manque cruellement dans son alimentation quotidienne.

Néanmoins, les bananes font débat et de nombreuses questions sont soulevées autour de leur véritable impact écologique à l’heure où nous mobilisons en masse les discours environnementaux et les alertes sur les dommages et les effets directs et indirects que l’importation et les transports peuvent avoir sur l’environnement. Faut-il arrêter de manger des bananes ? Quels sont les enjeux futurs du secteur de la banane, quelles responsabilités, quels engagements, quelles promesses ?

Aux Vergers de Gally nous nous sommes aussi posé la question, et nous avons décidé de rassembler tous les éléments pour tenter de répondre à vos questions.

I- Consommation de bananes et impact environnemental :

A) Un fruit très populaire :

La banane est le premier fruit mondial en volumes exportés et le deuxième en valeur derrière les agrumes, et constitue ainsi un poids économique conséquent. Les chiffres sont vertigineux :

Pourtant, la France se place en dessous de la moyenne dans les consommateurs européens, après les plus gros consommateurs comme la Finlande, la Suède, l’Angleterre …

B) Les variables prises en compte dans le calcul de l’empreinte carbone de la banane :

L’empreinte carbone est la quantité de gaz à effet de serre (GES) générée par un produit ou une activité. Elle est aujourd’hui largement mobilisée pour décrire l’impact de l’Homme sur l’environnement. On la calcule à partir de la somme des matériaux, énergies, et déchets produits au cours du cycle de vie d’un produit ou d’une activité, que l’on multiplie par les facteurs d’émission et les potentiels de réchauffement planétaire.

L’empreinte carbone de la banane peut se décomposer en plusieurs étapes : production et emballage, transport et expédition, et murissage. Il faut noter cependant que seulement 20% de la production mondiale de bananes sont commercialisées à l’échelle mondiale, puisque les plus grands producteurs consomment la majorité de leur production sur le marché local.

En fonction de la méthodologie utilisée pour évaluer l’empreinte carbone d’un produit, plusieurs variables vont être prises en compte et d’autres mises de côté. Pour la banane par exemple, certains calculs vont intégrer le gaspillage ou le transport des consommateurs.

Selon les variables et selon la méthodologie, les études qui ont été réalisées ont montré que l’empreinte carbone de la banane se situe entre 324g et 1124g CO2/kg de bananes. La méthode de l’ADEME, qui s’est basée sur le coût en carbone, protoxyde d’azote et méthane a retenu que la banane représenterait 800g de CO2 par kilo de banane soit 0,8kg équivalent CO2/kg. L’ADEME la classe alors parmi « les aliments les moins émetteurs ».

C) Les différents facteurs d’émissions de gaz à effet de serre de la banane :

Avec l’apparition des nombreux discours et sensibilisations sur l’impact environnemental de nos modes de consommation, des transports de marchandises ainsi que de leur production, les préoccupations se sont tournées notamment vers les produits importés.

En première approche, on pourrait penser que le transport est le pire contributeur à l’empreinte carbone de la banane. Cependant, aujourd’hui c’est surtout la production qui émet beaucoup plus de GES. Ensuite viennent l’utilisation d’engrais chimiques et la fabrication puis la construction de boîtes en carton.

Si l’on regarde de la production à la vente, la production primaire contribue à hauteur de 70% des émissions de GES. Pourquoi ?

  • Fabrication et acquisition du matériel (outils mobilisés, plastique, entretien des productions, transport au sein de l’exploitation)
  • Engrais chimiques (azote, potassium …) : entre 24 à 49% d’émissions de GES générées pour des engrais à base d’azote
  • Pesticides chimiques
  • Récolte mécanique
  • Emballages carton et fumigation de fongicides (Destruction de germes, de parasites par la fumée de substances chimiques)

Au total, l’étude sur l’empreinte carbone de la banane des Antilles a montré que celle-ci pouvait se diviser ainsi : production (70%), transport maritime (16%), stade aval (logistique, stockage, mûrisseries, transport routier etc. 14%).

Ainsi, c’est à la lumière de tous ces constats que des initiatives gouvernementales et locales ont été mises en place afin de mieux encadrer et responsabiliser la production de bananes, mais aussi de redorer l’image de la banane auprès des consommateurs.

II- Des initiatives et des plans volontaristes pour une évolution des méthodes de production:

Face aux multiples enjeux que représente le marché de la banane, autant environnementaux que sociaux, plusieurs initiatives ont été insufflées et ont connu des effets qu’il convient de citer dans notre développement.

A) Les débuts d’une prise de conscience générale :

Tout d’abord, les planteurs antillais, soumis aux normes européennes, très strictes sur le plan RSE, ont souhaité défendre leurs intérêts commerciaux, et ont créé en 2003, l’Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN). Celle-ci rassemble les producteurs de bananes des deux îles.

En 2007, deux événements vont jouer un rôle radical dans la responsabilisation des producteurs de bananes. D’abord, le cyclone Dean*(1) en 2007. Ce cyclone a entièrement détruit les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, cassant les plants à leurs racines et empêchant toute repousse avant un an. « Ce sont des conséquences considérables pour ce secteur économique, puisqu’il ne reste plus un seul pied de banane debout en Martinique, et que la bananeraie est touchée à plus de 80% en Guadeloupe », avait assuré Éric de Lucy, président de l’Union des producteurs de bananes des deux îles. Au-delà des rendements, c’était aussi 18 000 emplois concernés, puisqu’aux Antilles par exemple le secteur des bananes était le premier employeur privé.

Peu de temps après, en 2008, c’est le scandale du chlordécone qui éclate en Martinique et qui devient le vecteur principal d’une prise de conscience générale. Ce produit était utilisé contre le charançon, petit insecte parasite et ravageur. Extrêmement persistant, et interdit en France depuis 1993, le chlordécone est une poudre blanche qui se dépose sur les plants de bananiers. Son utilisation a trois effets : un effet durable, c’est-à-dire que son impact et ses résidus persistent dans le temps, parfois pendant des siècles (jusqu’à 700 ans !) ; un effet généralisé : le chlordécone est présent dans les eaux, les sols, mais aussi le corps humain : on estime que 90% des Martiniquais et des Guadeloupéens sont contaminés*(2) ; et enfin, un effet délétère : c’est un produit toxique, cancérigène et perturbateur endocrinien. Retrouver des traces de ce produit presque 15 ans après son interdiction a montré l’impact conséquent des produits chimiques sur les productions agricoles.

B) Des initiatives coopératives :

Ainsi, ce scandale a mobilisé chez les producteurs eux-mêmes une envie de changement. L’idée est alors de réduire les produits phytosanitaires dans les bananeraies et d’évoluer vers une agriculture durable. Est alors créé en 2008 le Plan Banane Durable, cofinancé par les producteurs de la filière Banane de Guadeloupe & Martinique, le Ministère de l’Agriculture et les collectivités locales. Le plan a trois grands objectifs : maintenir une filière de production moteur de l’économie locale, limiter les impacts de la production sur l’environnement, et redorer l’image du secteur auprès des consommateurs.

Ce plan regroupe des financements à plusieurs échelles, européennes, nationales, professionnelles, locales, et du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Dans le cadre du plan, a également été créé l’IT2, Institut Technique Tropical, en collaboration avec le CIRAD, pour une révolution des pratiques de production et des visions de l’agriculture. Cet institut est chargé des interactions entre les chercheurs, les techniciens et les producteurs de bananes.

Leurs actions conjointes se tournent vers plus d’agronomie ainsi que des méthodes alternatives de production : engrais verts, piégeages à charançon naturels, interculture, replantation, compost … Les produits de biocontrôle sont désormais privilégiés et la présence de prédateurs naturels permet aujourd’hui de contrôler et limiter la prolifération des ravageurs. Au niveau des déchets générés par la production de bananes, organiques et plastiques, des améliorations ont vu le jour. Les gaines plastiques utilisées, qui favorisent la croissance en augmentant la chaleur par effet de serre, protègent le fruit des rayons ultraviolets, et éloignent les insectes par la présence de pesticides, ont été encadrées. Au Costa Rica par exemple, les gaines sont toutes recyclées et compactées. Leur richesse en azote fournit des nutriments aux bananiers. Elles peuvent aussi être transformées en compost et engrais.

C) Des transports de plus en plus verts :

Le secteur du transport maritime encourage également le développement de carburants alternatifs. Par exemple, la CMA CGM a lancé le Cleaner Energy biofuel*(3) en partenariat avec l’UGPBAN pour la réutilisation des huiles de cuisson végétales, (comme celles de McDo) en biocarburant.  Cette alternative a permis de réduire de 84% les émissions de carbone well-to-wake (sur l’ensemble du cycle de production et d’utilisation du carburant) et de 100 % tank-to-wake (en considérant uniquement le moment où il est utilisé sur les navires de la CMA CGM). La compagnie maritime espère étendre cette solution à toutes les bananes.

De plus, avec la création de conteneurs réfrigérés, le transport a évolué pour optimiser le transport des bananes. Désormais les navires sont adaptés pour acheminer les marchandises dans les deux sens, en conservant des aliments périssables plus longtemps et ainsi limiter les coûts de transport.

D’autre part, l’initiative Windcoop*(4) de Matthieu Brunet, président d’Arcadie, Julien Noé, président fondateur d’Enercoop et Nils Joyeux, président de Zéphyr & Borée, innove en proposant un transport maritime décarboné d’ici 2025, à l’aide de porte-conteneurs à voile. Ce mode de transport permettra d’acheminer des marchandises entre la France et Madagascar, en 35 jours, à une vitesse de 8 nœuds environ. Le bateau ferait 85 mètres de long et pourrait accueillir une centaine de conteneurs, jusqu’à 1400 tonnes. Cette innovation permettra d’économiser jusqu’à 90% d’énergies fossiles sur une ligne transatlantique.

Michelin a également proposé des grandes ailes gonflables, rétractables et automatisées. L’opération « Wisamo »*(5) permettra de réduire jusqu’à 20% la consommation de carburant des navires.

D) Vers une promesse de responsabilisation ?

Toutes ces initiatives positives ont permis l’observation de conséquences favorables pour l’environnement. Des écosystèmes entiers sont recréés, plusieurs espèces d’oiseaux font leur retour, des chauves-souris et des grenouilles aussi*(6).

De plus, les opérations marketing et communicationnelles autour des plans de développement durables au sein du secteur ont permis de redorer l’image de la banane auprès de l’opinion publique.

En réalité, le secteur de la banane est une véritable source de production de richesse pour les zones économiques moins développées, par la création d’emplois notamment.

De plus, le climat est favorable aux évolutions des méthodes de production et de transports, par la multiplication des discours et des actions volontaristes de la part des filières, les engagements à long terme, les aides des gouvernements et des associations ainsi que les fonds financiers qui y sont alloués.  Les soutiens publics exercent depuis une dizaine d’années une « pression technique positive » qui soutient la logique de durabilité.

De plus, si l’on la compare aux autres fruits du quotidien, on voit que son impact reste modéré, même s’il ne faut pas dire qu’il est négligeable. En effet l’empreinte carbone des fruits exotiques par exemple est nettement supérieure à celle de la banane et pourtant ils sont aussi largement consommés en France.

Comparaison avec les autres fruits ou aliments du quotidien : véritable catastrophe ?

Au-delà des émissions de GES, il faut aussi regarder la consommation d’eau pour la production de chaque aliment. On voit bien que la production végétale consomme peu d’eau par rapport à d’autres aliments du quotidien, la viande en particulier.

Si vous êtes sensible à l’impact de votre alimentation et que vous ne pouvez pas vous passer de bananes, d’après les chiffres, on se dit qu’il vaut mieux adopter un régime flexitarien, en réduisant notre consommation de viande à une ou deux fois par semaine, en mangeant plus de légumes et en évitant les produits transformés et importés.

Surtout que la banane contient une quantité importante de fibres et d’antioxydants. On y retrouve aussi du potassium, des vitamines B, C, du magnésium, et même des protéines, comme dans la viande !

Tout est une question de quantité et de mise en balance !

*(1) Wikipédia, L’Ouragan Dean, https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouragan_Dean

*(2) TF1 Info, Thomas Deszpot, « Plus de 90% des Martiniquais et Guadeloupéen contaminés au chlordécone ? », 12 avril 2021, https://www.tf1info.fr/sante/plus-de-90-des-martiniquais-et-guadeloupeens-contamines-au-chlordecone-2183317.html

*(4) Marine & Océans, Windcoop : souscription ouverte pour la première compagnie de transport maritime à la voile en coopérative, 9 juin 2022, https://marine-oceans.com/environnement/windcoop-souscription-ouverte-pour-la-premiere-compagnie-de-transport-maritime-a-la-voile-en-cooperative/

*(5) Le Marin, Michelin conçoit une voile gonflable pour le shipping, 7 juin 2021, https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/shipping/39737-michelin-concoit-une-voile-gonflable-pour-le-shipping

* (6) Cirad, République Française, Chronique d’une transition agroécologique : la banane des Antilles, 8 septembre 2021, https://www.cirad.fr/nos-activites-notre-impact/notre-impact/recits-d-impact/chronique-d-une-transition-agroecologique-la-banane-des-antilles